Mathieu Foudral, cadre de notre département, m’a appelé le week-end dernier en commençant son message par: « je te jure que ce n’est pas un poisson d’avril ! » Et j’ai très vite compris pourquoi. Eric Pecquery, pêcheur professionnel sur le Léman, adhérent à Horizon Plongée (à Amphion) en formation niveau 2 avec son fils Pierre, lui a apporté un spécimen vivant … d’esturgeon. De taille respectable, environ 50 cm, le spécimen avait été récupéré 3 jours plus tôt dans des filets à perches à 25 mètres de profondeur en face d’Evian. Eric Pecquery a déclaré que c’était la troisième fois qu’il récupérait dans ses filets un esturgeon, les 2 premiers étant plus petit. Et il semble en effet que ce poisson n’en soit pas à son premier coup d’essai dans le Léman. Un article paru dans le Messager en mars 2013 relatait la présence de7 individus en 1993-94 ou encore une prise en août 2007 par un pêcheur genevois. Comme cette espèce n’est pas supposée être présente dans le Léman, il est fort à parier que ce poisson ait été remis à l’eau par un aquariophile ou qu’il se soit « échappé » d’une pisciculture dédiée à l’animal. Pour en savoir plus, lire l’article du messager.
Et Mathieu Foudral de conclure : « Encore quelques années et nous allons manger du caviar “lémanique” accompagné de crabes chinois ». Qui sait ?
Pour aller plus loin, j’ai contacté Jean-Claude Raymond de l’ONEMA (l’Office National de l’Eau et Milieux Aquatiques dont une antenne est basée à Thonon-les-Bains) et la discussion nous apprend ceci. Il est effectivement possible que des individus erratiques d’une espèce ou d’une autre soient présents au Léman, car vu la taille de l’écosystème, cela n’a rien de très étonnant. Toutefois, lors des nombreuses campagnes d’échantillonnage des poissons du lac qui ont été opérées depuis 2010, l’esturgeon n’a jamais été trouvé. Et les campagnes de pêche scientifique, c’était quand même 180 actions de pêche électrique en zone littorale en 2010, 80 actions de pêche aux filets la même année, 64 actions de pêche aux filets en zone littorale et sublittorale en 2011 et enfin 890 actions de pêche en déployant l’ensemble des possibles en terme d’arsenal de pêche en 2012. Au total, ce sont 4200, 2500 et 24000 poissons et un total cumulé de 24 espèces qui ont été capturés. Dont zéro esturgeon !
La mise à l’eau dans nos lacs de l’esturgeon (Accipenser baeri) ou le silure n’est vraiment pas un comportement à encourager selon JC Raymond car, d’une part car cela maintient l’incertitude sur leur présence et, d’autre part, des remises à l’eau réitérées font qu’au final on augmente la probabilité qu’ils finissent par se trouver et trouver des conditions pour se reproduire… Le veut-on vraiment, notamment pour le silure ?
Stéphan Jacquet